.La femme est une salope.

Aujourd'hui, c'est la goutte d'eau en trop dans la bassine à connerie. Ce matin dans le bus, j'entendais deux jeunes de 15 ans discuter d'une fille de leur classe. Extrait : "Vanessa ouais elle a trompé son mec mais bon, son père l'a frappée l'année passée, elle va mal, je trouve que cette fille est vraiment courageuse, blahblah" s'ensuit un long et large éloge au sujet de cette fille qui venait tout juste de briser le cœur d'un mec. De plus en plus, je m'aperçois que dans cette société, pour être quelqu'un de bien il faut être une victime. Tuez le chat de la voisine si ça vous chante et prétendez que vous vous êtes fait violer, ça changera directement la donne et vous serrez un demi dieu. Mais qu'est-ce qui ne va pas chez vous?! Les gens sont devenu si carrés (pour autant qu'ils aient été différents un jour) qu'actuellement on est tout noir et tout blanc et que le moindre de nos actes est vu d'une façon extrêmement manichéenne.

Si ça ne s'arrêtait qu'à cette façon robotique de taxer les gens, je me contenterai de la fermer et de laisser le peuple s'engouffrer dans leurs pensées ultra-coconnes. Le problème qui me bouffe depuis presque le début de mon adolescence c'est un simple fait, probablement inconscient pour la plupart d'entre vous mais qui ne cesse de me poursuivre : la fille est la salope, le mec n'est qu'un mec. 

Je m'explique. Imaginons un couple, le garçon (A) est avec la fille (B). (A) a une amie (C) qui est célibataire. Ils parlent de temps en temps et se voient lors de soirées entre amis (rarement seul à seul parce que ça s'appelle un "rencard" et c'est déjà mal vu). Déjà à ce moment là, C est vue comme une menace. On ne va jamais remettre en cause A qui est fidèle ou qui ne l'est pas, c'est forcément C qui pose problème. Imaginons maintenant que A fasse des avances à C. Dans 80% des cas, même si C remballe sèchement A, c'est toujours C qu'on va blâmer, insulter et porter au bûcher.Vous trouvez ça normal, parce que vous êtes une fille, d'être d'office la salope de l'histoire? Moi pas.

Évidemment, vous pouvez être certains que je suis du coté "mauvaise fille" pour beaucoup de gens. Pourquoi? Pour plein de raisons complétement idiotes : j'ai eu beaucoup de copains et c'est, visiblement, un crime de ma part. Les garçons peuvent s'enfiler des centaines de filles mais une fille qui a eu dix copains grand maximum sera une salope. Pourquoi? Parce qu'elle a un vagin. Où est la logique? Cherchez bien parce que même moi je ne trouve pas. Ensuite, je prends soin de moi, je porte des vêtements qui mettent en valeur mon corps et je ne me cache pas d'être coquette. C'est mon droit, mon corps, mon argent, j'en fais ce que je veux et ça ne devrait concerner que moi. Mais, ici encore, il semblerait que porter une jupe au dessus du genoux fasse de moi une pétasse. Bien. Bravo. Pourtant, je me fais encore traiter de tous les noms et draguer maladroitement quand je porte un pull et un jeans. Après on viendra me dire qu'une femme qui porte une burka est une victime mais au moins elles ne se font pas emmerder par les petites gens coincées. Là encore, le problème réside simplement dans le fait que je suis une fille. Mon plus gros problème pour la masse: je suis célibataire. On dirait que parce que je suis célibataire, je suis officiellement en chasse et je me jette sur tout ce qui bouge. Parfois, quand une fille pique une crise de jalousie parce que je parle à son mec, j'ai sérieusement envie de lui répondre "ma fille, ton copain est bien trop moche ou bien trop con pour m’intéresser." Mais quoi que je fasse, je serai une salope.

Les filles me détestent. Soit parce qu'un de leur pote est mon ex, soit parce qu'elles sont jalouses. Je vous laisse imaginer le peu d'amies que je peux me faire dans un tel cas. Quelle solution puis-je trouver quand 60% des filles qui m'entourent me détestent pour ce que je suis? Me défigurer? Porter le voile? Ne plus sortir? Ne plus vivre? Les plus intelligentes ont pris la peine de me connaître et je ne pense pas qu'elles le regrettent à présent. Heureusement pour moi, il y a des gens dotés d'un esprit critique, ouvert et capables de faire la part des choses sans se soucier des "on dit".

Une autre chose qui me caractérise (je m'utilise comme exemple mais je suis certaine qu'elles sont énormément dans mon cas), c'est le nombre d'informations complètement fausses qui circulent sur moi. D'où viennent-elles? 80% viennent des garçons avec qui j'ai rompu et qui, comme c'est assez connu, ne supportent pas que leur petit égo soit blessé. Résultat, la méchante, c'est forcement moi. En réalité, quand vous êtes une fille et que vous voulez éviter les problèmes, vous devez être soumises, ne jamais rien dire, ne jamais vous révolter ou pousser une gueulante, accepter tous les caprices de votre future-ex-moitié jusqu'à ce qu'il se lasse ou vous trompe. Ainsi, vous serrez une sainte, une fille sympa, une fille aimante parce que vous aurez été larguée par le mâle. Imaginez un peu la vie sous cet angle... Pour les 20% restant, il y a forcément les filles jalouses et une part de vérité, car je suis loin d'être parfaite et mon franc-parler a fait beaucoup de ravage dans le passé. Ajouté à cela, ma seule solution de rompre sans me faire trop emmerder par la suite : rendre la vie de l'autre insupportable jusqu'à ce qu'il me quitte. Là aussi je me fais passer pour une salope mais je m'assure deux choses importantes : il ne reviendra pas à la charge avec de faux-espoirs et il dégoutera ses potes (qui se ressemble s'assemble). Ainsi je suis débarrassée de deux choses ultra-chiantes lors de rupture : les espoirs du mec, les potes tentés de me draguer. (comme ça vous savez).

Dans la série des rumeurs complètement dingues (et elles le sont vraiment): j'aurais quitté mon premier petit ami car j'étais enceinte (de qui?!) dans la première version je m'étais faite engrossée par un coup d'un soir (un coup d'un soir à cet âge? non mais vous rigolez?) et dans la deuxième par mon amant secret qui est très connu mais dont personne ne savait me donner le nom (lol? What? Je le connais au moins? Il a une moustache? Il porte un chapeau?). What else? Oh cette fameuse fois où, soit disant, j'avais été sauvagement violée par un ami de la famille (heu wait.. quel ami? Je ne m'en souviens pas! C'était Noël 1995?!), une autre rumeur voulait que j'ai sucé un mec dans les toilettes d'un bar (non, dans les toilettes je fais caca ou pipi, ce qui, à ma connaissance, n'implique ni une bite, ni ma bouche) ou encore que j'aurais chauffé le mec d'une amie (ha bon? J'ai fais quoi? La bise probablement?). Bref, autant arrêter là.

True fact..

- La première "relation" que j'ai eu (vous reconnaissez le principe du "Tu veux sortir avec moi? - Bah oui d'accord" - rien de physique) s'est terminée au bout de deux semaines.. via sms. Malgré tout, on ne l'a pas vu comme un connard.

- Deuxième relation, tout aussi gentille que la première. Il me quitte au bout d'un mois parce que je ne veux pas coucher avec lui. A 13 ans. Malgré tout, on ne l'a pas vu comme un connard. 

- Deux jours plus tard, il se tapait une de mes amies, là aussi c'était pas un connard.

- Premier vrai petit copain: passe une journée avec son ex et prend de l'exta avec elle sans jamais vouloir préciser ce qu'ils ont foutu durant cette journée. Mais non, lui non plus n'est pas vu comme un connard. 

- Quand moi je me rapproche d'un mec, même s'il ne se passe rien : je me fais taxer de salope.

- Quand moi je passe la journée avec un mec : je suis une salope.

- Quand moi je le quitte pour la simple et bonne raison que je n'ai plus de sentiment pour lui : je suis une salope.

- Autre relation où je me fais littéralement tromper pendant des mois : c'est pas un connard, il a juste des problèmes de confiance en lui puis c'est pas un mauvais gars puisqu'il est sociable.

- Je tombe amoureuse quelques semaines après la rupture: je suis une salope.

- Le garçon suivant exige de moi que je sois en totale admiration devant sa musique, que je laisse faire tout ce qu'il veut en disant amen sinon c'est la crise de colère : c'est pas un connard, il est juste un peu égoïste.

- Je demande plus d'attention de sa part : je suis une véritable garce.

- Je sors avec un type qui pique des crises de colère et qui fini par me frapper : c'est pas un connard, j'ai probablement dû le pousser à bout.

- Je décide de le quitter parce que je ne veux pas être frappée une fois de plus : on veut me tabasser dans la rue parce que.. je suis une salope.

Je pourrais continuer longtemps comme ça. Mais je pense que vous avez compris mon plus gros problème maintenant : je suis une fille et ça fait de moi une salope. Si j'avais été un garçon, j'aurais été un garçon et rien de plus.

Je sais que je ne suis pas toute blanche, personne ne l'est d'ailleurs mais certaines choses me resteront toujours en travers de la gorge, j'aurais toujours un fond de rage envers tout les gens qui ont joué le jeu et tout ceux qui ferment les yeux devant cette société qui veut que la femme soit un petit être fragile et soumis. Moi je ne suis pas une victime, moi je ne me trouve pas des excuses pour ce que je fais. Et ça fait de moi un monstre.

Merci.